Continuons notre voyage dans les rues de Tunis et sa banlieue en vue du centenaire du Club Africain qui aura lieu le 4 octobre prochain. Après Dubosville, pour évoquer les frères Rouissi, direction la Médina et le centre-ville pour rendre hommage à la famille Touati..
Les tournois entre Bab Alioua, l’avenue de Carthage et Bab El Fallah
Comme beaucoup avant l’arrivée du professionnalisme, les clubs phares du pays recrutaient les pépites dans les terrains vagues des quartiers populaires des villes. C’est dans ce contexte propice au jeu, à la créativité et à la technique qu’on grandit Khaled Touati et Sami Touati dans le centre-ville de la capitale (avec pour seule occupation le football). Ettachkila vous emmène dans les ruelles étroites du vieux Tunis, pour narrer le récit de deux gamins qui auront laissé leurs empreintes dans le beautiful game des Eighties, Nineties.
Khaled Touati, Il Artigliere
L’aîné de la famille Touati, Khaled, voit le jour le 23 février 1963 dans la capitale. Bercé au football, il va tout naturellement jouer avec ses amis de quartier dans la rue (par manque de terrains dans le centre-ville et la Médina). C’est en 1974, alors âgé de 11 ans, que le jeune homme intègre le Parc B-Hassen Belkhodja après s’être fait repéré par un recruteur dans une « Batha » (nom donné au terrain vague en Tunisie où se déroule des parties de football). Son père étant Espérantiste, le gamin débute son apprentissage au club de Bab Souika. Au fur et à mesure des années, il toque aux portes de l’effectif « pro » avec à sa tête le tacticien Mokhtar Tlili et commence les entraînements avec Abdelmajid Ben Mrad, Tarak Dhiab et Abdelmajid Goubatini.
En 1979, alors que tout semble bien marcher pour Khaled Touati, une vilaine blessure l’a freiné dans sa progression et l’a poussé à s’éloigner des terrains pendant deux ans.. Après mûre réflexion, Khaled décide de revenir sur les pelouses et rejoint son frère Sami au Parc A-Mounir Kebaïli pour intégrer l’effectif du frère ennemi, le Club Africain : le crépuscule d’une longue histoire..
Tout commence pour lui après le revers subit par le CA en finale de coupe 1982 face au Club Athlétique Bizertin (1-0). Le coach Ahmed Aleya l’incorpore dans le groupe « pro » en compagnie d’un cerain Lotfi Mhaïssi en vue du stage de préparation estival. Cet exercice sera celui de la révélation pour le jeune attaquant, qui inscrit son premier but en LP1 sur la pelouse de la Jeunesse Sportive Kairouanaise. Le Club de beb Jedid joue les premiers rôles au classement et termine second (le Club Sportif Sfaxien remporte le titre cette année là).
Khaled Touati termine la saison avec 9 buts au compteur, derrière le buteur Hédi Bayari (avec 17 buts) et aux cotés de grands noms comme Habib Gasmi et Lassaâd Abdelli. Le joueur s’affirme de plus en plus en compagnie de Naceur Amdouni, Lotfi Mhaïssi et Sayed El Bergaoui, et entra dans la mémoire collective « clubiste » grâce à son but lors du Derby du 5 mai 1985 où le CA corrige l’Espérance (5-1) au stade olympique d’El Menzah.
La triste fin..
Malgré des qualités offensives indéniables, l’aîné des frères Touati ne gagne pas de trophée majeur avec son club (durant cette fameuse « décennie noire » du Club Africain). Les joueurs d’Ahmed Zitouni échouent en finale de coupe 1986 face au rival espérantiste (0-0 ap, 4-1 tab), le mano-à-mano perdu avec l’Étoile lors du championnat 1987, les deux revers de 1988 en finale d’Arab Club Champions contre Ettifaq (1-1 ap, 4-2 tab) et en coupe face au COT (1-1 ap; 5-4 tab) dont une somptueuse frappe du concerné..
Alors qu’il a conclu un très bon exercice 1988-1989 d’un point vue personnel (14 buts en championnat) Khaled Touati ,26 ans (16 sélections) se blesse pendant la préparation estivale sur les plages de Monastir (il chute après une acrobatie dans les airs et termine paralysé et dans un fauteuil roulant pendant six mois). Ce triste accident le pousse à mettre un terme à sa jeune carrière.. l’année où le Club Africain remporte le Lion (trophée de LP1) pour la première fois depuis 1980.
Sami Touati.. Il Prima Punta
Natif de 1965, plus exactement le 29 août, le cadet des frères Touati rejoint l’académie du CA après un tournoi de rue, organisé par les recruteurs du club en 1977. Sami est alors âgé de 12 ans et quitte son petit club, le Wydad Montfleury (club de quartier de Tunis) pour rejoindre le club de Beb Jedid. Pendant que son frère exerça sa passion dans l’autre club de la capitale, le jeune Sami continue son apprentissage et sa progression dans les catégories jeunes du Parc A-Mounir Kebaïli. Il intègre en 1984 l’effectif « pro » de club de Bab Jedid et inscrit son 1e but lors du succès (6-2) contre le Stade Gabésien.
La parenthèse de World Cup U20
En 1985, après une année de suspension de la sélection des jeunes par la FTF, M’rad Mahjoub le convoque pour la World Cup U-20 en ex-URSS, en compagnie de ses coéquipiers en club Lotfi Rouissi, Mohamed Hédi Abdelhak et Kaïs Yaâkoubi.
Les deux rapides ailiers Touati et Rouissi perçaient rapidement en direction du but adverse . Grâce à leurs feintes, ils débordaient fréquemment leurs adversaires .
Extrait du rapport de la FIFA World Cup U-20, URSS 1985.
Cette première aventure international pour le jeune Touati, du côté d’Erevan, l’a aidé à comprendre les exigences du professionnalisme, en se confrontant à des espoirs du football mondial (comme par exemple Emil Kostadinov et le légendaire keeper René Higuita). Pour l’histoire, l’aventure des aigles de Carthage s’arrêta très tôt et l’équipe de Tunisie U-20 quitte le tournoi dès le 1e tour.
Pour son retour à Tunis, le joueur s’aguerrit et la présence de son grand frère dans le roster n’y est pas étrangère. La concurrence est âpre (mais saine) au sein du Club Africain des années 80’s (Hédi Bayari, Lassaâd Abdelli, Khaled Touati, Habib Gasmi). Sami Touati progresse doucement mais surement avec son ami Kaïs Yaâkoubi et compense son manque d’envergure par sa ruse et sa malice dans la surface. Privé par Kazbek Tuaev de participer à la finale de coupe 1988, il assistera impuissant au revers de ses coéquipiers face au Club Olympique des Transports (1-1 ap, 5-4 tab) et en Arab Club Champions (1-1 ap, 4-2 tab) en novembre de la même année.
Quelques mois plus-tard, l’arrêt prématuré de la carrière de son grand frère Khaled le touche beaucoup, et le pousse à redoubler d’effort, pour s’imposer comme titulaire dans le onze type du CA. Il remporte le championnat en 1990 et perd en finale de la Coupe d’Afrique des Vainqueurs de Coupe face aux BBC Lions (4-1 agg). Sami Touati commence à goûter le calice de la victoire et pour cause, la Roubaia (Quadruplé ndlr) de 1991-1992 qui a été l’apothéose de la carrière de l’attaquant de poche avec en prime, 1 but à l’aller et au retour de la CAF Champions League (7-3) contre Villa Sports Club (ex-Nakivubo Villa Sports Club).
Le joueur est en pleine possession de ses moyens et atteint sa maturité tactique, sa réputation de renard des surfaces est établie auprès des suiveurs du football à Tunis et dans le reste du pays et ceci malgré son rendez-vous manquer avec la sélection (Henryk Kasperczak l’appelle pour la transition entre le fiasco de 1994 et la CAN 1996).
L’attaquant se focalise sur sa carrière en club, les Biancorossi commencent bien l’exercice 1995-1996 en remportant Arab Cup Winners Cup, organisée en Tunisie, sur la pelouse de l’Étoile Sportive du Sahel (0-1 ap) Le Club Africain sera sacré en championnat et termine la saison avec une seule défaite (2-1) contre l’ESS. Le keeper Boubaker Zitouni encaisse seulement 7 buts et Sami Touati remporte le trophée de meilleur buteur avec 17 golazo.. Hélas, les choses se passent pas comme il le souhaite l’année d’après, et le numéro neuf se trouve poussé vers la sortie par le technicien français Jean Sérafin (malgré ses 11 buts). Le bambin du Parc-A quitte alors son club de cœur et ira terminer son histoire d’amour avec le beautiful game du côté de Bardo pour quelques matchs avec le Stade Tunisien, ironie du sort, le dernier match de Sami Touati se soldera par un revers (0-1) au stade Chedly-Zouiten face.. au Club Africain.
Vous pouvez toujours lire notre premier article sur les frères Rouissi