Débarqué cet été au Parc Hassen Belkhodja, Radhi Jaidi (47 ans) fait un comeback remarqué dans son club de toujours, L’Esperance Sportive de Tunis. Fort de son riche background anglais, l’ancienne légende du football tunisien arrive avec une approche de coaching particulière et entend installer une nouvelle culture au club. Retour sur les contours d'un défi assumé..
Après dix-sept ans d’exil dont onze dans le « Backroom Staff » de Southampton au contact de références comme Mauricio Pochettino ou Ralph Hasenhüttl, une première expérience comme head coach à la tête de Hartford Athletic en USL Championship et un court (et réussi) passage en tant qu’adjoint au Cercle Bruges, le retour au bercail de Radhi Jaidi avait suscité unanimité et enthousiasme mais aussi beaucoup d’attentes chez le public Sang & Or.
Le choix de la méthode
Le choix fort du président Hamdi Meddeb pour la succession de Mouine Chaabani est tout sauf un hasard : le natif de Gabès est un manager « à l’anglaise » qui arrive à L’Espérance avec de grands défis à relever à savoir : influer sur le style de jeu et le résultat de l’équipe tout en renforçant le développement individuel des joueurs et la cohésion du groupe.. En gros, instaurer au club de Bab Souika une nouvelle culture et accroître les capacités d’une équipe en fin de cycle, devenue très prévisible.
Une stratégie de recrutement repensée
Si depuis quelques saisons, le club a déboursé des sommes considérables sur le marché des transferts avec des résultats parfois incertains, l’arrivée de Radhi Jaidi devrait apporter un changement en douceur de cette approche : la tendance serait de recruter des jeunes à fort potentiel, capables d’apporter une plus-value à l’équipe et vite adhérer aux valeurs de l’Espérance. Cette stratégie n’empêcherait toutefois pas le club de chercher des joueurs confirmés sur le marché, mais à condition de correspondre à toutes les cases techniques et financières prédéfinies par le board espérantiste.
La priorité étant aujourd’hui donnée à l’académie du club (qui doit produire les talents de demain) en plus d’un travail de détection qui se ferait en Tunisie et en Afrique, ces joueurs seraient amenés à intégrer l’équipe première en suivant un process scientifique basé sur l’évaluation, le mérite et la performance.
Si au dernier mercato estival la touche de l’ancien Wanderer n’a pas semblé très présente, il faut s’attendre à une plus grande contribution dans les mois à venir : une cellule de recrutement a vu le jour dans ce sens et son travail sera en lien direct avec l’entraineur Sang & Or. Le priorité sera donnée aux joueurs en capacité d’améliorer la qualité de l’équipe et qui collent aux principes de jeu du technicien tunisien.
Ces structures permettraient à la partie technique du club d’être efficace, de rester à taille humaine et de créer un environnement favorable à la performance et à la progression. Mais à l’Espérance, l’objectif a toujours été le présent avec des résultats rapides. En cela, Radhi Jaidi est conscient du poids de sa nouvelle responsabilité et sait qu’aux yeux du public de l’Espérance, le jeu et les titres seront le véritable révélateur du Projet.
Jeunesse, fougue et discipline..
S’il est encore prématuré d’avoir un avis arrêté sur l’identité de jeu de l’Espérance après seulement deux matchs officiels (2 finales de Supercoupe de Tunisie, ndlr), on peut tout de même déduire que Jaidi a à la fois intégré les expérimentations des schémas en 3-4-3, 3-4-2-1, 4-2-2-2 ou encore en 3-5-2. Des systèmes de jeu ambitieux, basés sur le pressing haut, l’intensité (avec ou sans ballon), le contre-pressing à la perte de balle et la capacité de vite se projeter vers l’avant. Le coach du Doyen des clubs tunisiens l’avait déclaré après la Supercoupe remportée face au CSS : il veut aller au bout de ses idées et de sa philosophie en dépit de «l’exception» de la première Supercoupe perdue aux TAB contre l’USMo, où il a dû aligner une défense à 4 suite à une cascade de blessures et des choix limités. L’ancien coach des U23 des Saints a un credo immuable : ce qui lui importe le plus, c’est la discipline de ses joueurs, leur capacité à appliquer les consignes et les principes de jeu, abstraction faite des noms alignés..
Un focus sur l’équipe alignée face au CS Sfaxien nous permet justement de mieux cerner l’approche de Radhi Jaidi : Le onze titulaire compte sept joueurs formés au club (Ben Cherifia, Chabbar, Ben Hmida, Chammem, Triki, Chaalali et Ben Romdhane) et affiche une moyenne d’âge de 22,4 ans. Le choix d’aligner Chabbar (21 ans), Triki (20 ans) Boah (18 ans) voire Iwala (22 ans) est révélateur de la confiance qu’accorde le technicien Sang & Or aux jeunes, souvent mis de coté ces dernières années.. Tout ceci nous laisse penser que Radhi Jaidi apportera beaucoup de fraicheur à l’Espérance mais la capacité des joueurs à s’adapter rapidement aux nouvelles méthodes reste tout de même à vérifier.
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Ambitions communes, défis multiples..
Après la contre-performance face à l’US Monastir en Supercoupe, l’Espérance a vite redressé la barre pour remporter, une semaine plus tard, son premier titre de la saison face au CSS. Deux finales qui précèdent une double confrontation décisive pour la qualification à la CAF Champions League et la reprise du championnat tunisien qui se jouera sur deux phases (et qui sera plus relevé cette saison). Passée l’euphorie des premières semaines, la réalité du terrain sera tout autre pour Jaidi et son groupe qui sortent d’une préparation physique et mentale très élaborée en vue du marathon de matchs qui les attend.
Le club de Bab Souika, dont la culture des trophées est ancrée dans son ADN, devrait faire preuve de sacrifices et de résilience pour repartir sur un nouveau cycle tout en restant performant. Le staff construit une nouvelle Espérance à tous les niveaux et avance en planifiant mais le groupe rajeuni mis en place aura besoin de temps pour prendre forme et être façonné à la philosophie de Jaidi. Un argument auquel l’ultra exigent public Sang & or ne sera pas forcément sensible. L’équipe devra donc être costaud pour pouvoir avancer collectivement vers ses objectifs. Et pour ce faire, l’ancien international tunisien pourra compter sur l’apport d’un staff multidisciplinaire dont le rôle est notamment de solidifier l’aptitude physique et mentale des joueurs.
Sur le court terme, Jaidi s’attelle déjà à la sortie très attendue face au voisin libyen El Ittihad Tripoli pour le compte du premier tour qualificatif à la CAF CL. Un adversaire de taille qui compte dans ses rangs plusieurs joueurs d’expérience. Avant une confrontation qui pourrait être cruciale pour la suite du Projet, le technicien Sang & Or n’aura pas mis beaucoup de temps avant de passer son premier vrai test à la tête du double champion d’Afrique (2018-2019). Un défi de taille, mais qui pourrait aussi être un premier pas « to fulfill mkachkhin’s dreams ».