Considéré comme l’une des révélations de la saison en Ligue 1 avec Lorient, Montassar Talbi a impressionné son monde par un leadership et une maturité assez rares pour son âge. Si l'heure de l'avènement du tunisien semble avoir sonné à 25 ans, le parcours de l’impeccable défenseur Merlu n’a pas été sans embûches. Personnalité, profil technique et leviers de performances, Ettachkila vous invite à découvrir le portrait de ce compétiteur qui se donne les moyens de ses (grandes) ambitions.
Un parcours de vie très « formateur »
Prime jeunesse : une passion nommée Football
Même s’il n’en donne pas du tout l’air, le néo-capitaine des Aigles de Carthage était un gamin plutôt agité. Après s’être essayé au karaté et au judo, le parisien au look de gendre idéal découvre le football à 5 ans par l’intermédiaire du Paris FC avant de passer, un an plus tard, au FC Les Lilas. Club partenaire du PSG et participant régulièrement à des tournois au Camp des Loges, l’actuel pensionnaire de Régional 1 permet au minot hyperactif de s’épanouir et de faire ses gammes.
« Très jeune, le football m’a recadré. Ça m’a appris le respect et a renforcé ma capacité à m’exprimer sur et en dehors des terrains. »
Montassar Talbi
L’apprentissage tunisien
Après une année au prestigieux Collège Saint-Michel de Picpus, « Monta », comme aiment à l’appeler ses proches, connaît une étape importante de sa vie en accompagnant, vers ses 12 ans, ses parents rentrés vivre en Tunisie. Fin, un peu destructuré dans sa manière de jouer et ne passant pas inaperçu, le néo-pensionnaire du Lycée Pierre Mendès France intègre les jeunes de l’Espérance Sportive de Tunis (il joue en 6 jusqu’aux Juniors) et s’impose chez les U12 de Lotfi Rafraf en faisant vite preuve d’une grande capacité d’’adaptation à son nouvel environnement. Tout en se montrant brillant dans ses études, celui qu’on surnomme un temps « le Français » commence à faire parler de lui dans le giron de l’équipe première jusqu’à disputer, à 16 ans, son premier match amical chez les Seniors. S’en suivra un remarquable parcours avec les Sang et Or, où il sera notamment sacré (à seulement 19 ans) double champion de Tunisie et champion arabe des clubs.
Sortir de sa zone de confort
Désormais établi dans l’un des tout meilleurs clubs d’Afrique, Talbi décide de sortir des sentiers battus pour la suite de sa carrière et signe au Çaykur Rizespor en Süper Lig turque. Arrivé en confiance, il se voit du jour au lendemain relégué en Tribunes après que le staff technique, le président et le directeur sportif du club aient sauté en début de saison. Une situation inédite et complètement inattendue que le capitaine de l’Equipe Nationale Olympique de l’époque a su surmonter au prix de beaucoup de self-leadership.
« L’expérience de Rizespor est un tournant dans ma carrière. J’y ai connu un statut inhabituel et perdu ma place en Sélection Olympique, mais je me suis réfugié dans le travail pour réagir à cette forme d’injustice et convaincre mes nouveaux vis-à-vis. J’ai décidé d’habiter au centre d’entraînement ; le gym était en bas des escaliers, j’enchaînais les séances, parfois à 2h du matin et ça a fini par payer. Ça m’a forgé une force mentale jusqu’alors insoupçonnée. Quoi qu’il arrive, je dois montrer tous les jours que j’ai la dalle. »
Montassar Talbi
Sa carrière est tout sauf un long fleuve tranquille
Revenu en force avec les Éperviers de la Mer Noire (dont il portera le brassard de capitaine), Talbi s’entend avec le Benevento Calcio pour un transfert au mercato hivernal, un deal finalement reporté à l’été sur insistance du coach de Rizespor. Neuvièmes de Serie A et auteurs d’une victoire de prestige devant la Juve à Turin, les protégés de « Pippo » Inzaghi trouvent le moyen de rétrograder en Serie B au terme d’un scénario rocambolesque. Préférant jouer à un niveau plus compétitif à l’orée des qualifications à la Coupe du Monde et la CAN, Talbi choisit (quelques mois après avoir célébré sa première sélection) de s’engager au FK Rubin Kazan en Première Ligue Russe, un championnat devenu encore plus structuré au lendemain du Mondial 2018 et caractérisé par beaucoup d’engagement et de rigueur.
L’expérience devait permettre au tunisien de prendre du coffre et de gagner ses galons de titulaire en Equipe Nationale A. Et c’est chose faite pour le défenseur qui monte en puissance sous les ordres du charismatique Leonid Sloutski, avant de voir son bail sur la rive gauche de la Volga écourté par la guerre. Le natif de Paris choisit alors de continuer sa progression du côté de Lorient en Ligue 1, pour un résultat qui surprendra plus d’un.. mais pas son entourage proche.
La face cachée de l’iceberg : une réussite à paramètres multiples
La Personnalité
Réfléchi et structuré, ce profil « travaillomane » et capable de redoubler d’effort sous stress, a acquis depuis son plus jeune âge les outils lui permettant de s’adapter rapidement aux cultures et aux situations nouvelles. Si en privé Montassar l’homme est très « famille », le joueur, lui, switche avec une facilité déconcertante sur son match en montrant un niveau d’exigence et de concentration maximums, un peu comme on enfilerait son « costume de travail » pour une urgence professionnelle.
L’entourage
Il faut dire qu’hormis des parents ayant toujours accordé une grande importance à l’instruction de leur fils (pour qui jouer au football devait d’abord rimer avec réussite scolaire), Montassar a su tisser autour de lui des amitiés rares mais solides. Si cette tendance ne fait pas légion dans le monde du football, elle se vérifie également dans le choix des hommes qui accompagnent désormais la carrière du tunisien.
Il y a d’abord son agent Hocine Ragued, avec qui Montassar possède beaucoup de similitudes. Ce « titi » parisien à la parole rare apporte sa sagesse et son vécu à un garçon dans lequel il a vu des signes qui ne trompent pas. Formé au PSG, Ragued est également ancien capitaine de l’Espérance Sportive de Tunis et des Aigles de Carthage. Les deux hommes se sont naturellement retrouvés et ont établi une sorte de « feuille de route » avec des aspects précis à améliorer dans le jeu et des échéances claires. S’il estime que tout le mérite revient à son joueur, l’ultra exigeant Hocine sait employer les mots justes tout en se montrant disponible pour l’homme et le sportif.
« On ne s’est pas trompé de projet en optant pour le FC Lorient. C’est une suite logique du parcours de Montassar qui est maintenant « estampillé » Ligue 1. C’est un grand compétiteur qui a besoin de rester sous tension. La saison qu’il vient de réaliser n’est pas un aboutissement en soi mais plutôt un temps de passage.
Sa maturité ? Elle ne me surprend pas du tout. Il faut juste la mettre en perspective de son parcours de vie, son éducation, sa famille.. Montassar est un garçon qui sait où il va. »
Hocine Ragued
Le travail individualisé
Adepte de « l’entraînement invisible », Talbi dispose des aptitudes physiques que requiert son poste (rapidité, agilité, puissance pour gagner les duels aériens et au sol, capacité à tacler proprement..) mais ne veut laisser aucun levier de performance au hasard. C’est dans cet ordre d’idées qu’il croise le chemin d’un autre « ex » de l’Espérance reconverti en Personal Trainer et coach en nutrition : Wissem El Bekri. Avec l’ancien latéral de Châteauroux, Montassar améliore notamment son explosivité, ses démarrages, son agilité et adapte son endurance physique à la manière de jouer de ses équipes.
« J’ai une bonne relation avec les préparateurs physiques des clubs, avec qui j’ai toujours beaucoup interagi. Je ne me contente pas du travail minimum. Mon corps et mon mental ont besoin de plus pour pouvoir performer. Le travail physique est beaucoup plus complexe que de prendre des kilos de muscles en salle. Chaque joueur a un corps et des besoins très différents. L’individualisation devient dès lors primordiale. »
Montassar Talbi
L’art de la communication
Malgré sa relative timidité en privé, Montassar maîtrise l’exercice médiatique aussi bien dans la forme que dans le fond en faisant preuve de cohérence et de suite dans les idées. Humble et très mature pour son âge, Talbi prône l’exemplarité en toute circonstance et a pu laisser une bonne image partout où il est passé. Ce garçon polyglotte (il parle couramment le français, l’anglais et l’arabe) a su s’adapter à ses nouveaux environnements en maîtrisant les codes de communication de ses clubs.
La révélation « bretonne »
Des stats, mais pas que..
Si le fait d’évoluer du côté du Morbihan avait de quoi nourrir les doutes de quelques sceptiques, le choix du projet Lorient va s’avérer gagnant tant l’intégration du tunisien se passe bien. Talbi prend vite ses marques dans cette équipe joueuse et fait très bonne impression. Parfaitement ancré dans la stratégie du club, il s’impose en leader, aux côtés de vieux briscards comme Vincent Le Goff, Julien Laporte ou encore le capitaine Laurent Abergel et devient un homme de base dans le dispositif de l’excellent Régis Le Bris.
Pour sa première saison, le tunisien joue sans discontinuer et affole les compteurs : 38 matchs en Ligue 1 sur 38 pour.. zéro carton ! Des statistiques et une mentalité qui ont, sans surprise, suscité l’intérêt de nombreux clubs européens. La carrière du défenseur tunisien est définitivement lancée.
Un défenseur quasi-complet
Grand, physique, rapide, technique, à son aise balle au pied et excellent de la tête (il a beaucoup amélioré sa relance dans le secteur aérien), Montassar Talbi coche toutes les cases du défenseur moderne. Capable d’évoluer dans une défense à deux ou à trois, en axial gauche ou droit, il impressionne par son calme et sa sérénité sur le terrain. Le merlu se donne tous les moyens pour progresser en permanence et ne néglige aucun « gain marginal », comme quand il utilise désormais une application pour gérer son sommeil, un domaine dans lequel le FC Lorient fournit ponctuellement à ses joueurs les services d’un spécialiste (le tunisien Anis Aloulou, ndlr).
Il rêve de remporter la CAN avec la Tunisie
Grâce à sa régularité en club, Montassar Talbi est convoqué pour la première fois avec les Aigles de Carthage en 2020 par Mondher Kebaier. Derrière la paire Meriah-Bronn, il ne fait pas de vagues et attend patiemment son heure. Le 28 mars 2021, il fête sa première sélection avec la Tunisie face à la Guinée Equatoriale à Radès (victoire de la Tunisie 2-1) et enchaînera les matchs jusqu’à devenir incontournable dans l’esprit du sélectionneur. Auteur d’une excellente Coupe Arabe des Nations en novembre 2021 (malgré une finale perdue contre l’Algérie 1-2), il confirme son nouveau statut lors de la Kirin Cup, avec une performance XXL en finale contre le Japon (victoire 3-0).
Avec sa polyvalence, son abnégation et sa progression physique, Talbi devient l’homme de base de Jalel Kadri et contribue grandement à la bonne prestation de la Tunisie au Mondial Qatari. Le sélectionneur lui témoigne une totale confiance, jusqu’à le voir dernièrement porter le brassard de capitaine face à la Guinée Equatoriale à Malabo.
Ils ont dit :
« Ce qui me frappe en premier chez Montassar, c’est sa présence d’esprit, sa maturité par rapport à son âge et sa manière de s’exprimer. C’est un joueur instruit, drivé par le leadership et la culture du travail. Sur le terrain, il montre beaucoup de maîtrise tactique et a bien progressé sur le plan physique ces 2, 3 dernières années, chose qui lui permet désormais de prétendre à jouer dans les tout meilleurs championnats européens. Pour un arrière central gauche, un joueur droitier aurait connu quelques difficultés, mais Montassar a constamment fait preuve de confiance et d’efficacité dans son registre.
Personnellement, je m’identifie dans le profil de Talbi dans la mesure où il cherche constamment à progresser et se donne tous les moyens pour devenir un joueur complet. Dans notre culture, on est sensible aux joueurs qui se démarquent par leur talent pur, mais ce ne sont pas toujours les éléments les plus forts de leur génération qui arrivent à toucher le très haut niveau car cela requiert énormément de sacrifices et un gros mental. Et c’est justement le cas de Montassar.
La saison pleine qu’il vient de réaliser en Ligue 1 avec le FC Lorient ainsi que son nouveau statut de capitaine en Equipe Nationale devraient donner de l’élan à la carrière de Talbi, à qui je prédis un bel avenir inchallah »
Radhi Jaïdi
« Dans l’ensemble, je trouve que Montassar réalise une belle carrière. Sa première saison en France est plus qu’une réussite, il s’est bien intégré dans sa nouvelle équipe (le FC Lorient), il joue un rôle important au sein du groupe et donne l’impression qu’il est là depuis très longtemps. Sur le plan personnel, je trouve qu’il apporte beaucoup de stabilité à sa défense, que ce soit en club ou en sélection. C’est un joueur calme, serein qui joue avec beaucoup de sang-froid.
Pour son âge, ce qu’il réalise est très flatteur. Il l’une de nos grandes satisfactions mais aussi un espoir pour l’avenir du football tunisien. J’espère qu’il continuera à travailler pour aller encore plus loin dans sa carrière. Il a toutes les qualités pour réussir au plus haut niveau. »
Karim Haggui
Une belle histoire.. qui ne fait que commencer ?
L’orientation que prend sa carrière internationale vient conforter les choix en clubs de celui qui a endossé avec aisance le costume de leader à maintes reprises avec les Aigles de Carthage. Respecté et apprécié par le groupe, Montassar Talbi prend une nouvelle dimension en sélection. Un plébiscite légitime tant le breton excelle sur le terrain mais aussi de part son attitude, sa communication et sa capacité à gérer les émotions et la pression. Le costume de capitaine semble donc taillé sur mesure pour l’élégant Talbi qui devra confirmer toute la confiance que le groupe Tunisie a placée en lui.
Ayant promis à sa feue et bien-aimée grand-mère que le nom « Talbi » sera un jour entendu à la télé, ce grand compétiteur qui a su garder son âme d’enfant peut désormais ambitionner d’agrémenter ses futures apparitions en direct d’une musique très spéciale : celle de l’UEFA Champions League.. De quoi rendre « Ommi Zina » et toute la Tunisie encore plus fières.