Le brouillard du chaotique amical entre la Tunisie et le Brésil au Parc des Princes s’est estompé pour laisser place à une implacable réalité. Si les Tunisiens ont collectivement sombré et paru totalement débordés, au-delà de l’aspect technique et du choix des hommes, l’approche mentale de l’événement interroge. Décryptage
Un contexte et une prestation chaotiques
Près d’un demi-siècle que la Tunisie attendait de croiser de nouveau le fer avec la Seleção (les deux sélections s’étaient rencontrées en amical en 1973 au stade d’El Menzah, ndlr). Ce match de Gala, que tout footballeur rêve de disputer, a fini par susciter une grande agitation dans le giron de l’Equipe Nationale : sur-sollicitations médiatiques, visites de courtoisie et engouement populaire étaient au quotidien des Aigles de Carthage avant d’affronter la bande à Neymar.
Si l’euphorie que suscite ce genre d’opposition est légitime, le contexte s’est répercuté sur l’attitude des joueurs qui n’ont pas montré toute la concentration requise pour cet important match de préparation à la Coupe du Monde, devant un adversaire de très grand calibre. La prestation du onze de Jalel Kadri s’en est immédiatement ressentie : les coéquipiers de Montassar Talbi n’étaient pas spécialement intimidés mais ont fini par très vite prendre l’eau face à l’armada Auriverde.
Entraînés par l’ambiance d’un Parc chaud bouillant où ils avaient à cœur de se montrer à la hauteur de tout un peuple, les Tunisiens n’ont pas affiché cette capacité à créer le vide autour d’eux et à faire disparaître la pression de l’environnement pour ne se concentrer que sur « le joueur et le ballon ». L’excitation, les erreurs d’appréciations et de marquage, les mauvais alignements défensifs (à l’image du deuxième but brésilien) et la maladresse de certaines interventions (comme le rouge de Dylan Bronn suite à son geste inutile sur Neymar ou la grossière faute d’Aïssa Laïdouni sur le corner ayant entraîné le penalty du troisième but) sont autant de symptômes d’une équipe qui jouait sous émotion, en manquant de sérénité et de maîtrise.
La messe était dite au terme d’une première période en ascenseur émotionnel et au score sans appel (4-1 pour le Brésil) où les Aigles de Carthage, trop spontanés, ont affiché des limites mentales préoccupantes.
Au Qatar avec quel état d’esprit ?
Dans un Mondial qatari que la Tunisie jouera un peu « à domicile » dans quelques semaines, le contrôle émotionnel sera un point clé pour bien négocier mentalement cet événement. Le sélectionneur Jalel Kadri, qui a l’expérience d’une dernière CAN au Cameroun où le groupe Tunisie a su se mettre dans sa bulle et se protéger des (très) nombreuses interférences (sans oublier la double confrontation décisive face au Mali) aura le challenge de façonner un mental de groupe performant et lucide.
S’il ne manque pas d’outils pour préparer cet état d’esprit (le technicien tunisien se fait lui-même accompagner par un coach mental personnel et de deux anciens internationaux dans son staff : Ali Boumnijel et Selim Benachour), Kadri (un profil calme, « travaillomane » et structuré) devra aussi faire face à un contexte global qui n’est pas à la franche sérénité autour de la sélection. Premiers éléments de réponse le 22 novembre prochain face au Danemark…