Il est vrai que rares sont les joueurs Tunisiens se mêlant aux grandes compétitions européennes, tandis que nos voisins continuent d'enchaîner les nouvelles pépites et les belles performances. Pour parer à cela, la FTF à changé de stratégie en misant désormais sur la jeunesse pour attirer les futurs binationaux. Tentative d'explication..
Du peu ou pas au pas à pas
Durant la saison 2020/2021, aucun tunisien n’a foulé les pelouses d’un second tour dans les deux coupes d’Europes. Sauvé habituellement par les performances de quelques clubs Français tels que l’Olympique de Marseille et son Seif-Eddine Khaoui limité, ou de Saint-Etienne et un Wahbi Khazri irrégulier voire de l’Olympiakos et son joueur placardisé Mohamed Drager, le bilan était très maigre cette saison
Comment gérer cela pour la fédération Tunisienne de Football ?
D’un côté, la compétition africaine ou l’Espérance sportive de Tunis a réussi une performance historique il y a quelques années (2 CAF CL consécutives) et de l’autre un championnat national, où le niveau technique, physique et technologique est totalement révolu. La stratégie de la fédération a donc été inspirée d’un constat amer : sommes-nous réellement convaincus que la troisième division anglaise est moins compétitive que le championnat Tunisien ? Sommes-nous toujours plus performants que les championnats secondaires Européens?
Pas sûr. Pas sûr du tout quand l’on voit le niveau des installations et les contextes de jeu qui se dégradent de plus en plus dans l’ensemble des aires sportives Tunisiennes. Il fallait donc agrandir son marché, s’intéresser aux footballeurs Tunisiens partout en Europe et donner une chance à ceux qui ont fait le pari audacieux de l’exil. Dans plusieurs situations, ce pari à été réussi: prenons l’exemple de Aissa Laidouni, évoluant en Championnat d’Hongrie, qui a fêté sa première sélection en mars contre la Libye. Sa valeur marchande est estimée à 2M€ tandis que le meilleur joueur du championnat Tunisien et l’un des plus performants en Champions League Africaine, Mohamed Ali Ben Romdhane, n’est évalué qu’à 700 000€ (selon le site transfermarkt)
Outre l’aspect financier qui peut sembler bien dégradant pour un joueur, c’est la cause de ce fossé entre un des meilleurs championnats d’Afrique et le 28ème championnat Européen : les moyens.
Depuis les années 2010, les moyens investis par les championnats mineurs européens sont massifs. L’objectif n’étant pas de concurrencer le TOP 5 européen mais de créer un réservoir de talents capable d’envoyer des joueurs dans de grosses écuries. Les chiffres sont impressionnants, la Hongrie a quasiment doublé la valeur de son championnat depuis 2012, évalué désormais à 124M€ d’euros. Même constat pour le championnat Roumain, évalué à 195M€ et composé à 45% de joueurs étrangers. C’est d’ailleurs ce qui a permis à ces championnats d’accroître leur compétitivité: parier sur des jeunes espoirs étrangers.
Dans cette dynamique, l’arrivée en fanfare de Hannibal Mejbri en équipe nationale est absolument logique au vu de la capacité technique, certes, mais également du cadre sportif dans lequel il évolue. Carrington, encadré par Mike Phelan, entouré d’espoirs du football anglais tels que James Garner, Tahiti Chong ou Angel Gomes. D’autres sont passés par là et se sont retrouvés quelques années plus tard sur le toit du monde: Paul Pogba, Mason Greenwood, Marcus Rashford, Dean Henderson, pour ne citer que ceux, qui sont actuellement à Manchester United.
La fédération Tunisienne de football, consciente des limites de notre championnat, a voulu miser sur les espoirs pour plusieurs raisons: un intérêt pour ces jeunes de briller afin de convaincre leurs clubs, gravir les échelons et un intérêt pour l’équipe nationale de les séduire avant qu’une double nationalité vienne les détourner. Une stratégie qui a payé pour les champions d’Afrique en titre, l’Algérie !
Pas à pas, construire une équipe nationale remplie d’espoirs qui peut être une vitrine et un argument pour les grands clubs européens. Tel est le projet de la FTF conduit par le directeur sportif chargé des binationaux à la fédération : Mohamed Slim Ben Othman
Un pari risqué ?
Si l’on a établi qu’en termes de compétition et de niveau d’exigences, des joueurs comme Mejbri ou Rekik ne seront pas dépaysés, c’est un pari risqué au niveau de l’opinion publique. 17% de joueurs étrangers en Tunisie, un quota pour chaque équipe à respecter et une équipe nationale qui a souvent été composée des 4 grands EST/CA/ESS/CSS et quelques bi-nationaux du championnat Français (principalement). Pour l’opinion, l’appréhension de la perte de valeur du championnat Tunisien, et du retard pris vis à vis du continent entier, qui lui-même en a beaucoup pris.
Un certain patriotisme empêche cette prise de conscience pouvant compliquer la situation pour le sélectionneur, Mondher Kebaier. Même si ce dernier semble en phase avec la stratégie de sourcing évoquée plus haut : la dernière liste du coach ne compte que deux joueurs de champ issus du championnat tunisien: Wajdi Kechrida et Mohamed Ali Ben Romdhane. La diaspora est en marche.
Les attentes de la scène médiatique semblent toujours disproportionnées au vu du niveau de l’équipe: rappelons le renvoi de Nabil Maaloul, à qui on a reproché de ne pas avoir qualifié l’EN au second tour de la Coupe du Monde alors que ce n’était pas du tout un objectif réalisable dans un groupe contenant la Belgique et l’Angleterre, deux futurs demi-finalistes de la compétition.
Un certain nationalisme sportif mêlé à des attentes extrêmes pourrait être le risque majeur du pari de la fédération. La gestion de la communication sera centrale pour préserver l’équipe de l’extra-sportif, un lourd fardeau qui anime beaucoup de clubs et de sélections mais qui prend une place souvent trop importante à Tunis. Si les promesses n’engagent que ceux qui y croient, notre nation a une longue histoire avec l’espoir – le football pourrait être le précurseur qui le concrétise et le transforme en victoire.
Article rédigé par Amine Snoussi