Après le Golfe Persique et la Grande Bretagne, Ettachkila vous fait voyager en Italie à travers cette enquête spéciale sur les coulisses du rocambolesque « Crac » Cirio. Une enquête mêlant Calcio, politique, grandes sagas industrielles et scandales financiers.
À l’origine des dynasties…
1979, Aéroport de Forlì dans le Nord de l’Italie : un avion privé percute à l’atterrissage un bâtiment à basse altitude avant de s’écraser sur une maison près de la piste de l’aéroport.. À bord de l’engin se trouvait Serafino Ferruzzi, le très réservé patron du Groupe Ferruzzi, véritable fleuron de l’industrie agroalimentaire en Italie, dont la succession ira à son gendre Raul Gardini.
Raul Gardini fera de cette affaire provinciale, dont il sera l’artisan de la diversification et de l’expansion, le second groupe industriel privé transalpin et incarnera l’industrie italienne triomphante des années 80. Sous sa direction, Ferruzzi raflera notamment le groupe sucrier français Béghin-Say, l’américain Central Soy, l’huilier Lesieur ainsi que des millions d’hectares au Brésil, en Argentine et aux Etats-Unis.
L’insatiable et très charismatique Raul Gardini, dit « Il Condottiere », s’était aussi fait connaître à travers le monde grâce à sa passion pour la Voile et fut l’initiateur du projet « Il Moro di Venezia » ambitionnant de mettre fin à l’hégémonie anglo-saxonne sur l’America’s Cup, la plus ancienne compétition nautique au monde, vieille de près de 170 ans.
Après avoir pris en 1987 la direction du géant industriel et financier Montedison S.p.A (contrôlé notamment par les groupes Agnelli et Pirelli), Gardini jette deux ans plus tard son dévolu sur les activités pétrochimiques du géant public des hydrocarbures, l’ENI, avec lequel il crée ce qui devait être le plus grand pôle chimique du monde : le joint-venture Enimont. Un mariage qui se soldera finalement par le rachat des parts Montedison par l’ENI et qui verra surtout Raul Gardini rompre avec le monde politique italien puis avec la famille Ferruzzi quand celle-ci découvre son plan de transfert du contrôle du holding familial.. Il se verra retirer la direction du groupe mais repartira avec 23% de parts rachetés à sa (solidaire) femme Idina
En février 1993, une information judiciaire est ouverte contre Gardini : le prix payé par l’ENI à Montedison pour les 40 % d’Enimont fera ressortir une surévaluation de 800 milliards de lires (plus de 40 Millions €).
Très sérieusement impliqué dans l’opération «Tangentopoli » (mains propres), guerre contre la corruption – notamment politique – menée par les magistrats italiens au début des années 90, Raul Gardini est accusé d’avoir constitué une « caisse noire » destinée à verser des pots-de-vin (300 Milliards de lires, plus de 15 Millions €) à divers partis politiques.
En Juillet 1993, découvrant son nom à la une de tous les journaux, Gardini se tire une balle dans la tête dans le Palais Belgioiso, son hôtel particulier milanais, trois jours après le suicide en prison de son ami Gabriele Cagliari, ancien patron de l’ENI…
Passations et « mains propres »
Durant son règne à Enimont, Raul Gardini portera aux sommets du groupe son bras droit, un certain Sergio Cragnotti. Ce natif du quartier romain de l’Appio-Latino et diplômé en économie et commerce, commence sa carrière comme comptable à la société Calce e Cementi Segni, avant d’émigrer au Brésil en 1969 pour y travailler pour le compte de la société Cimento Santa Rital.. Celui qu’on surnommera « Serginho » passe plusieurs années dans ce pays et commence à y faire fortune.
C’est justement au Brésil que Cragnotti fera la rencontre de sa vie : celle du chef de la famille de Ravenne, un certain Serafino Ferruzzi, quand Cimento Santa Rital est acquise par le Groupe Ferruzzi dont il sera nommé, en peu de temps, responsable de toutes les activités brésiliennes.
Après la mort tragique de Serafino Ferruzzi, Raul Gardini (passé donc à la tête du groupe) nommera Cragnotti à la tête des activités France en 1982. Cragnotti retournera en Italie après un certain temps et commencera une ascension fulgurante dans le monde des affaires..
Celui dont le grand manitou des banques Enrico Cuccia disait qu’il « était capable de vendre des réfrigérateurs aux Esquimaux », réussira à se voir attribuer le rôle de directeur général de Montedison puis d’Enimont… Cragnotti introduit la société en bourse et, en moins de deux mois, Raul Gardini et ses amis remportent la majorité au sein du Groupe.
Mais, voyant venir l’affaire des «Tangentopoli » (mains propres), et pour éviter de s’attirer des ennuis, Cragnotti révèlera aux magistrats de Milan certains pots-de-vin versés par Gardini à divers hommes politiques, puis se met à son compte en 1991.
Le grand saut
Après avoir quitté Enimont avec la coquette somme de 80 milliards de lires en poche, Cragnotti fonde une banque d’affaires, Cragnotti & Partners Capital Investment NV, et réalisera ce qui était probablement son rêve de jeunesse : devenir entrepreneur. Il acquiert notamment les societés Bombril (leader du marché du nettoyage domestique) au Brésil, Lawson Mardon (société cotée en bourse opérant dans l’emballage) au Canada et Brill (société produisant du cirage à chaussures) en Italie.
Grâce aux crédits de la Banca di Roma, Banco di Napoli, la Banque Monte Paschi et de la Banca Popolare di Milano, Cragnotti fera l’acquisition (au moyen d’un complexe montage financier) du groupe agroalimentaire Cirio Bertolli De Rica (CBD), une des privatisations italiennes les plus discutées du début des 90’s après s’être associé à la FISVI (un groupement de coopératives du Sud de l’Italie, des Pouilles et de la Basilicate notamment) et récupèrera ainsi diverses activités dans les tomates pelées et concentrées, les légumes en conserve et le lait.
En 1994, il devient l’unique actionnaire de Cirio Bertolli De Rica et, avec les acquisitions ultérieures de la Centrale del Latte à Rome, du groupe Del Monte Royal Foods et la création de la société Eurolat, il se transforme en un véritable Géant de l’agro-alimentaire.
L’entrée dans le monde du Foot
Peu connu en dehors du monde des marchés financiers, encore moins dans le milieu du football, Sergio Cragnotti, reprendra officiellement le club de la Lazio le 20 février 1992 pour en devenir président quelques semaines plus tard. Il signera d’emblée de grands noms comme Paul Gascoigne (officialisant un transfert déjà conclu par son prédécesseur Gian Marco Calleri), Giuseppe Signori ou encore Aron Winter et accueillera même Saadi Gaddafi (fils de Mouammar) pour une séance d’entraînement avec le club en vue de conclure un sombre deal (officieusement autour de la gestion du merchandising de la Lazio). Une opération qui restera finalement sans suite…
Le rôle du « Roi des banquiers »
Les acquisitions industrielles et sportives de Cragnotti n’auraient pas été possibles sans le concours de son banquier Cesare Geronzi, président de la Banca di Roma (devenue Capitalia) dans les années 90.
Surnommé « le Roi des banquiers » Geronzi, autrefois très proche du leader démocrate-chrétien Giulio Andreotti, a su nouer des rapports avec le monde politique italien en participant notamment au sauvetage financier du holding Fininvest (Mediaset, Mondadori, Gruppo Mediolanum…) contrôlé par la famille Berlusconi.
Malgré les pertes de son groupe, Sergio Cragnotti poursuit son développement, accumulant acquisitions et…dettes. Geronzi donnera des garanties bancaires aux sociétés de Cragnotti et protègera également la GEA World, une société de conseil et d’intermédiation de contrats de joueurs et d’entraîneurs de football créée par Alessandro Moggi (fils de Luciano), Francesca Tanzi (fille de Calisto, propriétaire de l’entreprise agro-alimentaire Parmalat), Andrea Cragnotti (fils de Sergio) et Chiara Geronzi (fille de Cesare)
Les succès sportifs
Dans les années qui suivront, la Lazio commencera à connaître d’importants succès aux niveaux national et continental, remportant ses premiers titres après 40 ans de disettes, à savoir : 2 Coupes d’Italie et 2 Super Coupes d’Italie (en 1998 et 2000), 1 Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupe (en 1998/99), 1 Super Coupe de l’UEFA (en 1999) mais surtout un mémorable Scudetto (le deuxième de son histoire après celui de 1974) en 1999/2000, la saison du centenaire du club.
En Mai 1998, quelques semaines après que la Lazio se soit installée en tête du classement mondial des clubs établi par l’IFFHS, Cragnotti fait introduire le club à la bourse italienne. Ce sera le premier club de football italien présent à la « Piazza Affari », avant La Roma (Mai 2000) et La Juventus (Décembre 2001).
Cragnotti est alors à l’apogée de sa gloire, au point d’être surnommé « L’Imperatore » (l’Empreur) par les supporters biancocelesti…
La Lazio du Scudetto 1999/2000
Dans un masterclass accordé à The Coaches’ Voice (vidéo ci-après), l’ancien coach suédois de la Lazio, Sven-Göran Eriksson revient sur l’équipe du doublé 1999/2000 : Une équipe mixant qualités techniques et très grande intensité, composée de fuoriclasse à tous les postes : 22 internationaux comme Alessandro Nesta, Siniša Mihajlović, Stanković, Diego Simeone, Pavel Nedvěd, Verón, Salas, Matías Almeyda, Roberto Mancini, pour ne citer qu’eux, étaient sous ses ordres.
La Lazio excellait particulièrement dans l’art de la contre-attaque avec des joueurs sachant parfaitement utiliser les intervalles et faire des transitions foudroyantes en une seule passe (souvent en jeu long par-dessus) dès la récupération du ballon.
La fuite en avant
En grande difficulté financière, et face au désengagement de plusieurs partenaires et créanciers (Swiss Bank et Monte dei Paschi notamment) après que des sommes consistantes aient disparu des comptes de Cirio sans laisser de trace, Sergio Cragnotti doit trouver d’autres financements. C’est ainsi que le groupe Cirio émettra des « bonds » (prononcer le « d » en fin du mot « bonds » en italien. ndlr) ou obligations, en principe réservées aux investisseurs institutionnels, à des épargnants en vue de réduire ses dettes.
La situation préoccupante des entreprises de Cragnotti imposera aussi des choix contestés au sein de la Lazio : c’est ainsi qu’il vend d’abord Pavel Nedved, puis l’idole et emblème du club Alessandro Nesta, s’attirant les foudres des Tifosi qui voient d’un mauvais œil sa gestion corporatiste du club, et avec qui quelque chose est définitivement rompu.
Incités par les banques et notamment par Capitalia, des milliers de petits épargnants vont, sans le savoir, financer la dette de Cirio. Celle-ci continue à gonfler, passant de 840 millions € en 1998 à plus de 1,5 milliard € en 2000. En 2002, la dette s’élève encore à 1,3 milliard d’euros mais avec une composition radicalement inversée : l’endettement de Cirio envers les banques ne représente plus que 25 % de la dette totale (contre 76 % trois ans plus tôt), tandis que les prêts obligataires placés auprès des petits épargnants atteignent désormais 65 % de l’ensemble (contre 4,6 % auparavant)
Avec ces « bonds », Cragnotti collectera auprès des petits épargnant la somme de 1.125 Millards €, dont la moitié servira à rembourser une partie de ses dettes auprès des banques. La bulle finira par éclater définitivement en novembre 2002. Sergio Cragnotti déclare se trouver dans l’impossibilité de rembourser une première tranche de prêts obligataires.
Après une vaine tentative d’élaborer un plan de restructuration, la faillite est inévitable : il s’est avéré que les caisses de Cirio étaient vides et que plus de 500 Millions € avaient été détournés vers des sociétés offshore appartenant à Cragnotti… Une faillite aux conséquences dramatiques pour près de 35 000 petits épargnants ayant placé leur argent dans les titres Cirio.. L’affaire sera connue sous le nom du Crac Cirio (« crac » étant une autre appellation de krash financier en italien. ndlr)
Dans l’empire de la Camorra
Dans le livre « Gomorra, dans l’empire de la camorra » de Roberto Saviano, on apprend qu’une enquête menée en 2004 par le parquet de Caserte établit que, dans une partie importante du sud de l’Italie, le lait distribué par Cirio puis par Parmalat avait conquis 90% du marché grâce à l’accord de partenariat avec la camorra de Casale et aux dessous de table que les entreprises (appartenant aux groupe Eurolat, vendu par Cragnotti à Calisto Tanzi, propriétaire de Parmalat) versaient aux clans pour conserver une position dominante sur le marché.
La domination commerciale des Casalesi jouissait d’un vaste consensus. Et là où la persuasion et le sens de l’intérêt commun étaient impuissants, la violence faisait le reste : menaces, extorsion, camions de transport des marchandises détruits, chauffeurs frappés, véhicules de concurrents volés, hangars brûlés etc…
L’argent qui servait à alimenter ce monopole n’avait pas de problèmes à apparaître dans les comptes au sein d’un pays comme l’Italie où la falsification de bilan a été dépénalisée suite au décret législatif n° 61/2002 promulgué le 15 Avril 2002 par le gouvernement de Silvio Berlusconi .. Fausses factures, fausses subventions et parrainage de diverses manifestations fictives sont désormais banalisés..
La chute de « L’Empereur »
Sergio Cragnotti sera entre autres accusé de « banqueroute frauduleuse » puis arrêté dans son domaine à Montepulciano en février 2004 avant d’être assigné à résidence suite à un très court séjour dans la prison romaine de Regina Coeli.
En 2007 Cragnotti, Geronzi et 33 autres personnes (entre banquiers, responsables du groupe et membres de la famille Cragnotti) sont traduits en justice : Cragnotti écopera d’une peine de 9 ans de prison (réduite à 8 ans et 8 mois en appel en 2015 puis à 5 ans et 3 mois en 2019). Quant à Cesare Geronzi, il est condamné à 4 ans d’emprisonnement (confirmés en appel)
Marquant la fin du règne Cragnotti, l’année 2003 aura été particulièrement noire pour les italiens. Si la faillite du groupe Cirio a engendré un peu plus d’1 Millard € de pertes pour les épargnants, celle de Parmalat (groupe agro-alimentaire dont le nom est associé au club de Parma Calcio) causera quelques mois plus tard de gigantesques pertes d’environ 14 Milliards €. Un autre « crac » dont l’impact marquera durablement l’économie et l’opinion publique italiennes… Ettachkila y reviendra dans une prochaine enquête.
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